mardi 21 juillet 2015

Un paysan naît

Quelques mois d'installation et je procède à une mue lente et certaine au sein de mon cocon, la ferme.

C'est avec des moyens réduits que commence ma vie paysanne : des outils manuels ancestraux et traditionnels (la fourche, la houe et surtout les mains). J'apprends à connaître la terre que je vais cultiver les prochaines années, je la touche, perçois ses atouts et ses faiblesses. J'appréhende ses souffrances et son potentiel. Je plante des choses simples : oignons et échalotes.

Première frayeur météo : l'inondation relative de mes cultures à la fin du mois d'avril. Heureusement vu les mois de sècheresse que je vis depuis. La météo est un bon indicateur du niveau de paysan que je suis. Je la regarde plusieurs fois par jour alors qu'elle est inchangée ou presque depuis 3 mois et je m'en plaint. J'attends la pluie, je n'y crois plus.
Ma jeunesse en tant que paysan fait que je n'ai pas de quoi arroser. Ou si peu. Une pompe dans un puits et un tuyau jaune pour tenir l'eau précieuse qui coule doucement. Alors je prends du temps, je choisi les heureux élus qui bénéficieront du précieux liquide et, quand c'est nécessaire je vais chercher l'eau du réseau public. J'arrose le strict nécessaire... Mais ma terre réagit bien et puise dans ses réserves du mois d'avril. J'apprends.
Le temps du tracteur est une sorte de révolution, de magie. La sensation que l'homme invente des outils libérateurs. Le tracteur, c'est une déconnexion aussi : haut perché et profitant de la puissance du pétrole. Et que de temps gagné malgré le peu d'outils que j'y associe, malgré la faible adaptation à mes besoins. Il a 52 ans, une quarantaine de chevaux et quelques fuites mais qu'importe : il tire, soulève, travaille et me fait gagner un temps fou. Les personnes qui viennent m'aider font avancer la ferme également et il y en a pas mal. Merci.

Depuis le mois de mars, presque 5 mois, il s'est passé pas mal de chose dans mon cocon, la métamorphose opère. Plus d'un demi hectare cultivés de plus de 15 légumes et 30 variétés, avec les moyens qui sont les miens, pas mal d'herbe qui pousse, les travaux pas toujours faits à temps, pas toujours parfaitement : ça démarre. Chaque plantation a été l'objet d'une frayeur de tout perdre, la canicule aidant. Chaque plantation a plutôt bien réagit et elles subissent plutôt mes actions qui manquent de moyens et d'expérience. Quelques ravageurs mais l'équilibre se fait rapidement, la forêt m'entoure avec sa biodiversité souvent à mes cotés malgré le risque que représentent ses plus gros habitants.
Je suis loin d'être un papillon, peut-être ne le devient-on jamais vraiment. La terre apprend tous les jours de toute la vie. Les premiers légumes, à l'essai, ont été récoltés et goutés. La production arrive, il lui reste 6 semaines pour arriver à maturité.

mardi 19 mai 2015

Journal intime

Premiers jours de cette nouvelle année, première année de cette nouvelle vie. Bientôt le grand départ.
La nostalgie du passé m'envahit pour mieux construire le bonheur futur. C'est la vie de ma famille qui change demain en contorsionnant notre mode de vie, en révolutionnant notre lieu de vie.

Quitter la ville, en bons termes, c'est aussi la regretter un peu. Je profite de ces derniers moments pour marcher dans Paris, j'aime et ça me conforte dans mon futur. J'imagine mes visites futures, pour livrer mes légumes ou bien vivre la capitale.

Arriver en milieu rural, se faire accepter. Réussir dans ce projet professionnel original et plein d'inconnu est passionnant.
Profondément Parisien depuis toujours, c'est ici une nouvelle vie, un nouveau rythme, une nouvelle façon de trier ses poubelles, de consommer, de se déplacer.

Voilà quelques mois que ces mots ont été rédigés, je suis bien entré dans ma nouvelle vie de paysan. J'ai commencé  à m'équiper pour travailler et entretenir la terre, les premiers légumes commencent à pousser. Nous avons été parfaitement accueillis jusqu'ici, nous sommes bien dans ce nouvel environnement. Je fais connaissance avec la terre que je vais cultiver au travers de beaucoup de tâches manuelles.

Il faut prendre le pli d'un nouveau rythme : celui de la nature avec laquelle je travaille. Je n'ai pas encore trouvé la synchronisation mais je commence à adopter une nouvelle temporalité qui me rapproche de ce rythme particulier que je ne connaissais pas en vérité.

mardi 7 avril 2015

Ce qui s'est passé durant les premières semaines

Après avoir attendu longtemps, le moment de devenir paysan est enfin arrivé. Les échalotes et oignons sont arrivés avec un peu de retard, ils ont commencé à s'installer dans le champ. Pour cela, je leur ai préparé un nid douillet pour murir en attendant d'être distribués cet automne!

Avant toute chose

Après piquetage, nettoyage et préparation

Une bâche percée pour leur tenir chaud et les protéger des envahisseuses

Un beau voile pour les protéger des bêtes volantes.

jeudi 5 mars 2015

jeudi 29 janvier 2015

Planteuse et bineuse

Deux outils indispensables pour planter les patates, les topinambours, les poireaux et peut-être choux et oignons. Ils ont sans doute mon âge et je les remonte de Tours pour travailler avec moi à la ferme.
Y'a plus qu'à les remonter!

jeudi 22 janvier 2015

Attendre

Je suis prêt.
Je suis prêt à devenir paysan.
Psychologiquement, plus de deux années m'ont préparé.
Techniquement, j'ai la terre et je sais comment m'équiper et travailler.
Matériellement, une banque m'accompagne et je loge en face du champ.

Mais il faut attendre et l'année avance. Il faut attendre car pour s'installer il y a des règles, des commissions, d'autant plus quand on demande des aides, bien sûr. L'administration n'est pas raccord avec les saisons et pourtant il est temps de planter pour pouvoir avoir des légumes à temps.

Alors attendre mais agir et préparer le moment à venir, quand les saisons avanceront sans me demander si je suis prêt à les suivre.

lundi 5 janvier 2015

Le paysan est-il un personnage public?

Le paysan travaille la terre pour nourrir les hommes.
Il a cette lourde charge d'entretenir le territoire, d'en sortir plus d'énergie -de calories- qu'il en a dépensé et de la partager avec ses concitoyens.

Il commence par vivre sur son lieu de travail, vaste et équilibré. Il y maintient la diversité et l'organisation qui font du paysage le support fertile et complexe dont il retire le fruit de connaissances ancestrales parfaitement maîtrisées et toujours en évolution.

En maintenant un environnement varié et sain il permet à tous de vivre dans des espaces riches. Il relaie l'histoire et les pratiques de nos ancêtres. Il en profite pour y intégrer toute la modernité nécessaire à l'amélioration de ses pratiques. C'est une des clefs du bien être de nos sociétés humaines.

Autour de son activité se développe le réseau qui permet d'acheminer les denrées, brutes ou transformées jusque dans les assiettes. Cette assiette qui en dit long sur la construction de la société. Le paysan raconte l'histoire de ce qu'il fait pousser, grandir, mûrir. La collectivité qui vit autour des paysans nourriciers est forte du savoir de l'origine et de la qualité de la nourriture qu'ils partagent en toute connaissance de cause et en toute sécurité.

On devrait pouvoir dire mon paysan comme on dit mon médecin. Le paysan n'appartient à personne mais il est acteur de la société et du bien être de ceux qui l'entourent. Il est le maillon essentiel qui n'est pas, il me semble, reconnu à sa juste valeur dans nos sociétés capitalistes.