dimanche 28 février 2016

Agriculture urbaine?

Je vais commencer en rappelant que la ville, l'aire urbaine, se développe en détruisant les espaces agricoles qui l'entourent : les espaces périurbains. Ces espaces dévorés par la ville sont bien souvent les plus fertiles puisque ce sont ceux qui la nourrissent. Cette fertilité, dans le cas du maraîchage, est créée par des années de pratiques agricoles intenses au service de l'approvisionnement des villes. Il n'en reste plus tellement en Île-de-France.
Ceci étant posé, je propose d'établir une définition de l'agriculture, celle du Petit Larousse indique : "Activité économique ayant pour objet la transformation et la mise en valeur du milieu naturel afin d'obtenir les produits végétaux et animaux utiles à l'homme, en particulier ceux qui sont destinés à son alimentation."
L'article 311-1 du code rural définit l'activité agricole comme "correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation."

Il faut que l'agriculture se repositionne autour des villes, au sein des grandes agglomérations, au plus près des bassins de population. Elle doit se développer de manière inédite sans conflit avec l'urbanisation mais en la contraignant à se densifier pour éviter l'extension à outrance. Cette agriculture ne doit pas être que démonstration, elle va nourrir les hommes avec la crédibilité portée en partie par sa viabilité économique et sa capacité à nourrir le plus grand nombre en permettant au paysan périurbain de vivre. Pour cela les surfaces suffisantes, correctement desservies par les réseaux nécessaires doivent reprendre un statut agricole même au cœur des villes.
De nombreux ouvrages traitant de l'agriculture urbaine parlent en premier lieu de jardin. Pourtant le jardinage, aussi nourricier soit-il, peut-il vraiment prétendre être de l'agriculture? De l'horticulture oui : la culture du jardin (hortus) mais est-ce de l'agriculture? Une activité qui permet à un paysan de vivre, celle qui permet de nourrir au delà de sa propre famille, sans doute pas.
Il est néfaste à un vrai développement agricole en milieu périurbain de dépenser énergies, finances et innovations dans une pseudo agriculture urbaine de démonstration très dispendieuse et peu productive. Il est inquiétant également d'entendre des discours sur des systèmes agricoles très spécifiques qui enchantent en faisant croire en leur reproductivité facile. Quant aux productions hors sol, déconnectés de la terre ferme, elles ne pourront fournir que des produits pleins d'eau et sans terroir spécifique bien qu'ultra proche de leur destination de consommation. Ces systèmes totalement déconnectés de la nature et du réel n'apporte rien d'autre à la ville que l'impression qu'une agriculture technologique et tendance serait viable. Malheureusement le coût de telles structures ne permettront pas de developper ces systèmes sans de lourds investissements publics de soutien.
Il faut que toutes les communes situées dans des zones denses aient pour obligation un diagnostic de leur territoire avec l'identification des espaces susceptibles de garder ou de reprendre une activité agricole viable. Ces espaces doivent être protégés au sein des documents d'urbanisme, voir acquis par les collectivités en vue d'y redéployer une agriculture saine au cahier des charges compatible avec la proximité de la ville et la production alimentaire de grande qualité. On ne doit pas sanctuariser ces espaces mais les comprendre comme de véritables composantes de la ville et de son développement sain et serein. On trouve par exemple 20ha de terres maraîchères en partie en friche et en partie encore cultivées à Argenteuil, et également un maraîcher qui se retire et qui cultive près de 8Ha à Saint-Denis, dont seule la moitié bénéficie d'un projet de reprise agricole organisé par la communauté d'agglomération. Ces dix communes sont toutes proche de Paris.
Selon moi il faudra plutôt parler d'Agri-Culture urbaine tant par la culture propre que cette pratique possède et développe que par l'importance de l'échange et de la "programmation" éclectique qu'elle comporte. Ce mot composé d'Agri-Culture me permet ainsi d'introduire la dimension profondément culturelle de l'agriculture dans son sens le plus traditionnel et l'évolution qu'elle subit au gré des mutations du monde.